L’ubérisation des services à la personne est en marche. Peut-on se fier aux premières plateformes qui se sont lancées sur ce marché ? Leur stratégie de « casser les prix » est-elle juste opportuniste ou peut-elle impulser une nouvelle tendance dans le secteur ? Qui bénéficiera de ce mouvement ?
Sommaire
Conférence organisée par Ogust
Mercredi 16 novembre 2016 – 10h30-11h30
Salle Sèvres – Salon des services à la personne – Paris porte de Versailles
Ubérisation des services à la personne : les plateformes cassent les prix
« Le ménage à domicile bouleversé par l’arrivée de nouveaux acteurs qui cassent les prix », titrait le Figaro le 16 octobre 2014, après que plusieurs entreprises se soient lancées en France dans la mise en relation entre particuliers et aide-ménagers autoentrepreneurs. Un modèle économique qui permet à ces nouveaux venus de casser les prix. Alors que le tarif d’une heure de ménage à domicile se situe aux environs de 20 euros dans les agences traditionnelles avant déduction fiscale, Helpling affiche un tarif de 17,90 euros (pour une prestation ponctuelle), Hassle 15,90 euros et Homejoy 18,90 euros. Ces sites prélèvent une commission de près 20% en moyenne sur la rémunération des aide-ménagers.
En plus de prétendre lutter contre le travail au noir qui représente 40% du secteur, ces nouveaux venus affichent également leur volonté d’offrir une couverture sociale, même minimale, à des personnes qui en étaient jusque là dépourvues, dans un secteur qui pourtant peine déjà à recruter du personnel.
Acteurs traditionnels ou « simples » intermédiaires, chacun redouble d’efforts pour trouver l’aide-ménager qui correspond le mieux aux exigences des clients. Mais, tous deux ne jouent pas à armes égales. En effet, salarier du personnel ou faire appel à des indépendants à la demande exige un niveau d’engagement nécessairement différent. Et, cela peut avoir un impact sur la qualité de services.
Comme le souligne L’Observatoire Société et Consommation, côté consommateur, c’est l’opportunité de bénéficier de services certes moins chers, mais « le service délivré n’est pas le même que celui des agences de nettoyage traditionnelles. Il comporte une part d’aventure, d’aléas, comparable à la différence entre un séjour chez un particulier via AirBnB et une nuit dans un hôtel classique ». Au client de faire son choix.
6 mois après : le constat et des questions
Après plus de 6 mois de présence, la voix cinglante des clients n’a pas tardé à se faire entendre sur les forums. Bien sûr, il existe des clients heureux et ces derniers ne sont pas les plus actifs sur le web. Il ne s’agit pas là de dresser un tableau noir des acteurs tels que Helpling ou Hassle, ou encore de faire une liste à la Prévert des plaintes, mais de confirmer, si besoin en était, que non seulement la part d’aventure et d’aléas existe bel et bien et aussi qu’un prix réduit nécessite d’accepter également un niveau d’exigence moindre.
Certaines des objections et plaintes formulées étaient d’ailleurs prévisibles, tant elles sont intrinsèques au modèle économique :
- Il est en effet impossible de garantir au client au moment de sa commande qu’un prestataire soit disponible et qu’il se rendra sur les lieux de la prestation au jour et à l’heure souhaités.
- Un autre point reproché à ces intermédiaires est l’absence de sécurité ou de garantie en cas de litiges avec le prestataire, car en tant qu’intermédiaire, ces acteurs du web, ne portent aucune responsabilité contrairement aux sociétés qui ont pignon sur rue.
Ceci étant dit, le client n’est pas le seul à devoir faire un choix. Travailler en tant que salarié ou prestataire pose de véritables questions et en la matière, mieux vaut être bien informé. Les demandeurs d’emploi ne sont pas tous au fait de toutes les problématiques juridiques qui peuvent se poser, ni des droits qui sont les leurs, comme celui à une protection sociale.
En mode prestataire, nous pourrions être attirés par de revenus plus élevés, mais la comparaison entre banane et carotte n’est pas aisé. Nous avons donc réalisé un tableau de synthèse permettant de mettre en regard les points qui nous semblent essentiels en matières salariale et sociale.
Rémunération et couverture sociale
Comparaison entre les sociétés de services à la personne et les plateformes collaboratives
(*) Moyenne constatée en IDF sur un panel de 850 salariés sur plus de 50 sociétés
(**) Dans les conditions de la CCNSAP
(***) Source : http://www.apce.com/apce3/auto-entrepreneur/index.php?&rub=&rubID=2
Il n’existe pas de réponse toute faite. Tout est encore question de choix et de gestion des risques, car même si le salaire semble plus important en tant qu’autoentrepreneur, le mode salarial peut s’avérer plus avantageux (congés payés, frais de déplacement, prise en compte de certain temps de trajet…) ou du moins, plus sécurisant. A chacun de faire son calcul. La liberté d’entreprendre à certes un prix et peut être une source réelle de gains à condition de justifier d’un volume d’activité conséquent. Il est bien sûr aussi possible de travailler pour des intermédiaires en complément d’une activité salariale.
« L’ubérisation » (ou « plateformisation ») de l’économie s’apprête à bouleverser de très nombreux secteurs d’activité. Les services à la personne ne seront pas épargnés par ce phénomène, qui a déjà commencé à faire son œuvre. Mais derrière ces risques peut se cacher également un océan d’opportunités …
1 an après
Moins d’un an après l’arrivée du Trio Helpling, HomeJoy et Hassle en France, seul Helpling a su pour le moment s’installer sur son marché après que ses concurrents directs aient dû totalement cesser leur activité.
Non pas que l’idée soit mauvaise ou que le marché soit trop petit pour accueillir plus d’un acteur. Non, la chute de Homejoy a été précipitée par quatre actions en justice. Comme beaucoup sur le secteur, l’entreprise s’est construite sur le recours à des travailleurs indépendants, ce qui lui permet de fortement limiter ses coûts (voir la première partie de l’article) et de gagner en flexibilité. Les plaintes déposées contre Homejoy réclamaient la reclassification de ces travailleurs indépendants, pour leur accorder le statut de salarié. Et c’est là que tout le modèle s’effondre ! Mais ce n’est pas tout : ces entreprises souffraient également de mauvaises évaluations de la part des clients.
Cependant l’enjeu reste suffisamment sérieux pour que Helpling rachète ce qu’il reste de HomeJoy et Hassle pour s’ancrer toujours un peu plus sur un marché mondial de près de 200 milliards de dollars.
Certaines start-up ont déjà décidé de prendre les devants. Fin juin, Instacart a choisi de salarier ses « personnal shoppers ». Shyp a fait de même pour ses chauffeurs. Helpling devra peut-être également s’y résoudre un jour prochain. En effet, une réponse ministérielle de 2013 (Rep. Min. n° 7103, JO AN du 6 août 2013) a répertorié un certain nombre de points permettant d’identifier l’existence d’une relation de travail salarié :
- l’existence même de la déclaration de travailleur indépendant (démarche non spontanée, a priori contradictoire avec le travail indépendant),
- l’existence d’une fonction salariale antérieure avec le même employeur, pour des activités semblables ou proches,
un donneur d’ordre unique, - le respect d’instructions autres que celles uniquement nécessaires aux contraintes de sécurité sur le lieu d’exercice, pour les personnes intervenantes, ou bien pour le client, ou encore pour la bonne livraison d’un produit,
- une facturation au nombre d’heures ou en jours,
- une absence ou une limitation importante d’initiatives dans l’exécution du travail,
- l’intégration à une équipe de travail salariée,
- la fourniture de matériels ou équipements (sauf équipements importants ou de sécurité).
Par application de ce faisceau d’indices, les juges ou les services de vérification de l’URSSAF et de l’Inspection du travail peuvent alors requalifier la relation en contrat de travail. L’impact d’une telle requalification n’est pas neutre, il est donc important pour les acteurs ayant optés pour ce modèle de s’y préparer (et d’en avoir les moyens).
Ceci étant dit, la plateformisation de l’économie est un fait. Tout se loue, s’échange, se partage, se choisit, mais aussi se note. Ce dernier point fait référence à une notion indissociable de l’uberisation : le « Crowd » (pardon pour cet anglicisme) qui sous-tend à la grande majorité des innovations digitales (concept selon lequel c’est la communauté des utilisateurs du service qui créent sa valeur – et nous sommes bien placés pour le savoir). S’il s’agit bien de la deuxième vague de la révolution numérique, mieux vaut surfer dessus que de la prendre de plein fouet !
Certaines sociétés de services nous disent souvent qu’elles préfèrent avoir un contact direct avec le client afin de conserver ce côté humain, souvent nécessaire dans les services à la personne. Mais que préfère réellement le client ? C’est certain, tous les clients ne sont pas prêts à commander un service à domicile sur internet, mais ce n’est finalement qu’une question de génération et donc de temps. Qui aurait cru il y a 5 ans que le premier loueur de chambres du monde serait AIRBNB ? Certainement pas les grandes chaînes hôtelières qui préféraient conserver un accueil plus humain aux clients et qui ne voyaient là qu’un phénomène de mode sans réel danger !
Le monde change ! Et il change vite… Pour notre part, nous avons choisi de participer au changement. Certains d’entre vous connaissent le projet Ogustine. Ce dernier fut quelque peu bousculé par ces nouveaux arrivants armés de plusieurs millions. Nous avons donc décidé de revoir notre copie avec un Ogustine plus moderne et efficace, mais également, plus tourné vers vous et vos besoins.
Le 1er janvier 2016, nous serons prêt à vous apporter les outils du changement.
Et vous ? serez-vous prêt ?